Détective Dee

Après une série de films soit médiocres (The Eye 3), soit découpés par les producteurs (Seven Swords), Tsui Hark revient aux affaires dans un projet d’une grande ampleur et au budget conséquent. Et chose totalement improbable, alors que l’on aurait pu croire que cette production aurait pu être dans la mouvance des deux catégories précédemment citées, Tsui Hark nous sort un film personnel et parfaitement inscrit dans le courant de sa filmographie.

Les connaisseurs des œuvres de Tsui Hark savent qu’il est capable de faire des films plastiquement virtuoses mais assez complexes dans le déroulement du récit. Avec Detective Dee, Tsui Hark a voulu continuer ses expérimentations visuelles mais sans trop les rendre, apparemment, compliquées. En effet, Détective Dee est d’un classicisme certain dans le sens où le spectateur va retrouver des nœuds de récit particulier au cinéma asiatique. Ainsi, les luttes et les enjeux de pouvoir, le rapport à la nature, le sens de l’Histoire de la Chine et les personnages bannis qui se rachètent une conduite sont bel et bien présents. Mieux encore, toute cette narration est au cœur d’un projet formel dans une logique d’adéquation totale. La caméra en mouvement, le plan d’ensemble, le sens du cadre millimétré, la beauté des décors, les jeux sur les couleurs insèrent donc Détective Dee dans ce que la Chine s’est faire de mieux en matière de cinéma. Mais Tsui Hark vaut mieux que cette débauche de classicisme, certes convaincante, mais trop facile pour lui.

Le cinéaste va alors plonger dans la modernité. Il est, il faut bien le dire, aidé par un scénario linéaire mais plus complexe qu’il n’y paraît au premier abord et par des personnages pas si figures que cela et aux relations ambivalentes. C’est bien pour ces raisons que le film, et notamment son épilogue que je me garderai de révéler, ne doivent pas être vus comme un objet de propagande sur la dictature ou la toute puissance du Grand Empire. Tsui Hark est beaucoup plus subtile et cherche juste à nous faire comprendre que ces statuts politiques existent et que chacun doit être vigilant. Le réalisateur fait, ici, la démarche opposée à un réalisateur lambda qui prend pour argent comptant les directives du pouvoir. Tsui Hark, quant à lui, est libre et doté d’une personnalité propre.

Cette identité, le spectateur va la retrouver dans les scènes d’action, dont certaines sont tout simplement sublimes. On y retrouve cette volonté de faire réfléchir le spectateur derrière cette apparente facilité. Ainsi, la géographie des combats, figure essentielle du cinéma asiatique, se retrouve dilatée. Tsui Hark, dont on sait qu’il est un théoricien formel, se dégage de ce classicisme, pour retrouver son identité via un montage rapproché et une utilisation des plans de coupe qu’il insère dans l’ensemble. Voici une grande marque de respect de la part du réalisateur. Respect par rapport à lui car il veut à tout prix se dégager des considérations classiques trop faciles ; respect par rapport à son spectateur qui se retrouve devant une complexité cachée.

Mais Détective Dee est plus que cela et se pose comme une œuvre qui questionne la filmographie de Tsui Hark. C’est dans l’utilisation des effets spéciaux que le cinéaste expérimente. Certes, ils sont parfois trop voyants et quelque peu vulgaires. Mais voyons dans cette démarche une prise de connaissance sur un outil qu’il ne maîtrise pas encore totalement et sur des possibilités technologiques proches de l’infini.

Détective Dee, sous couvert d’une (trop grande) simplicité, est une œuvre ambitieuse. Mais même si sa dimension théorique et multiple rend le film passionnant, il n’en est pas moins d’une jouissance spectatorielle absolue. Tsui Hark a réalisé son passeport pour le succès grand public, statut qu’il mérite amplement. Détective Dee est un peu son Tigres et Dragons et espérons qu’il trouvera une poursuite de carrière identique a celle qu’a pu le trouver Ang Lee.


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