The Hunter

Voir un film iranien dans une salle de cinéma n’est pas chose courante, surtout venant de la part d’un cinéaste qui n’est pas une bête de festivals comme peut l’être un Abbas Kiarostami. Cette occasion est trop belle de découvrir une cinématographie qui a toujours su exister malgré des contextes social, politique et culturel souvent perturbateurs. D’autant plus que le synopsis s’avère sacrément alléchant : un homme qui vient de sortir de prison devient un « chasseur » suite à la disparition de sa femme et sa petite fille, événement qui se pose comme le matériau de base à la construction du film.

A ceux qui s’attendaient à un thriller nerveux, en mode documentaire, viscéral et violent, vont être déçus. Certes, le générique de début va dans ce sens, coloré et rock and roll. La suite du métrage prend, par contre, une direction contraire. Rafi Pitts préfère clairement la contemplation, l’abstraction, prendre son temps et construire une image très travaillée. Son héros apparaît alors parfaitement cadenassé dans sa solitude, ne pouvant pas voir sa famille car il travaille de nuit mais ayant également du mal à s’insérer dans une société fourmillante. Il existe, en contrepoint, à cette représentation une mise en image bouillonnante de Téhéran en particulier et de l’Iran en général, loin des images d’Epinal. Et cela fait vraiment du bien. Cette première partie se révèlerait assez fascinante si une sensation de vide spectatoriel ne venait pas guetter.

La deuxième partie joue clairement la carte du genre, avec une convocation de quelques références au cinéma américain. Là aussi, le cinéaste ne va pas s’énerver, jouant la perte de ces hommes dans une nature surprenante, chose d’autant plus normale quand on cite notamment The Deer Hunter de Michael Cimino ou Dead Man de Jim Jarmusch. Hélas, comme dans sa première partie, Rafi Pitts provoque ce même manquement. Le caractère abstrait de la première trame du film vient alors se démultiplier.

Une image ne fait pas toujours un discours. Les lignes de dialogues se refusant au spectateur, ne voulant pas donner des clés de compréhension et laissant l’image – et le son par la même occasion – parler d’eux-mêmes, montrent bien que Rafi Pitts possède une réelle conscience cinématographique. Mais les enjeux, quelques soient leur teneur (sociaux, politiques, philosophiques ou tout simplement narratifs), ont bien du mal à exister. La plongée dans les arcanes de la société iranienne n’est, tout simplement, pas assez appuyée. Nous nous rendons bien compte que des problèmes existent mais ils restent trop en filigrane, au détour d’une scène, trop cachés par un hors champ que l’on voudrait, pourtant, voir se découvrir. C’est comme si le film n’arrivait pas à se dégager de ses enjeux formels. La conséquence est assez problématique puisque toute émotion humaine se retrouve annihilée.

The Hunter s’enrobe alors d’un ennui poli et il faut toute la force de la représentation cinématographique et la volonté d’admirer le sens de l’image de Rafi Pitts, pour ne pas avoir envie de fermer les yeux et s’endormir. Est-ce la faute au censeur du Gouvernement iranien présent 24 h / 24 sur le plateau de tournage ? Sans doute, mais sans doute pas. Car le réalisateur offre des plans d’une rare violence et certaines images mettent carrément mal à l’aise. Il pouvait donc se permettre un point de vue rebelle. Faut-il y voir une considération auteuriste à but festivalier ? Non plus, car la sincérité et la simplicité transpirent, pardoxalement, à l’écran, loin de toute considération grandiloquente.

Il se dégage du long-métrage une sensation bizarre. Ce n’est pas que le film soit mauvais, loin de là, mais il est bancal. Et la conséquence, c’est qu’il en devient mineur. Tout cela est bien dommage tant The Hunter fait partie d’un cinéma qu’il faut défendre au nom de la diversité cinématographique. Et au nom d’un cinéma de lutte.


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